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Images, sons, croquis achevés et inachevés, sculptures, tapisseries, mémoire de danse, sont présentés dans cette exposition, qui rassemble l’intégralité de la production réalisée durant ma résidence au Musée de Ouidah de la Fondation Zinsou.

Ce parcours, écrit comme un rêve - avec son fil conducteur, mais qui ne s’explique jamais vraiment - laisse la possibilité d’une déambulation aléatoire.

Ce rêve, propre à chacun, reste cependant ici orchestré par les expériences vécues sur ma route.

C’est, bercée par les histoires, que surgirent les formes, influencée par les danses, les chants puissants et parfois fredonnés, inaudibles si on ne tend pas l’oreille...

Chaque œuvre a été pensée et construite avec les matériaux disponibles sur place, afin d’être au plus juste dans les couleurs et les formes que m’offraient ce voyage.

Le coton, les poteries de Sè, les sacs de jute utilisés pour transporter le karité, les cheveux synthétiques tressés sur la tête des femmes, tant de médiums qui s’exprimaient autour de moi et dans les habitudes de chacun.

Ces œuvres sont nées de la rencontre d’un pays, de ses hommes, de ses femmes et de ses traditions : c’est l’expression de quatre mois de vie en terre béninoise.

"Unir le mouvement et la lumière à la sculpture a toujours été une donnée essentielle de mon travail. Enfermé dans une boîte, figé sur le papier, arrêté sur la toile ou en perpétuelle répétition, je cherche à manipuler et à appréhender le temps, à exposer ce qui nous échappe, afin de rendre tangible les rapports et les échanges invisibles qui unissent les spectateurs entre eux. "
Pauline Guerrier

Les Ciels Fantasmés d’Afrique

« C’est en me retrouvant dans ces villages de culture de sel, à quelques kilomètres du centre ville de Ouidah, capitale spirituelle du Bénin, que s’est posée la question du rêve. 

Comment ces personnes éloignées du monde l’appréhendent-ils ? Les Ciels Fantasmés d’Afrique, c’est ce questionnement sur le rêve et sur la préoccupation de celui pour qui la culture de la terre est au centre de son activité.

Ces tableaux portent en eux la puissance du vent et de la pluie, du sable tambouriné par l’eau lors des tempêtes, mais aussi de cette terre qui se réveille et fléchit sous les rayons du soleil.

Dans un pays où tout finit par disparaître sous la puissance des éléments, je me suis demandée par quels moyens artistiques l’histoire avait été représentée au Bénin. 

Les fresques peintes sur les murs, ainsi que les Toiles appliquées (technique de tenture par l’assemblage de tissus unis, découpés, puis cousus par superpositions), ont considérablement contribué à la représentation iconographique royale et religieuse.

C’est par la réinterprétation de ces médiums que sont nés Les Ciels Fantasmés d’Afrique : des tableaux de tissus représentant ces nuits où l’on ne dort pas les soirs de pleine Lune, ces jours où l’on sent la terre porter en elle une puissance emplie de magie et de spiritualité.

Ces tableaux sont l’image de mes rêves. »

Les Danses de l’eau

« C’est à travers des ateliers menés avec les enfants de Ouidah, qu’est né le projet des "danses de l’eau", en collaboration avec la danseuse et chorégraphe Béninoise Assiba D. Rachelle Agbossou.

Danser la vie, danser la mort, danser l’amour, chanter la pluie, marcher parfois des kilomètres pour avoir de l’eau. 

La façon dont, le corps interprète, vit et traduit ses désirs, ses besoins, m’intéresse.

Dans un pays où les rites prennent une place importante et ont le pouvoir de faire apparaître les choses tant désirées, là où le corps est sans cesse appelé à chanter...  la danse est là, elle fait partie de la vie et de la culture.

J’ai proposé à ces enfants d’inventer des mouvements, d’écrire des gestes qui pour eux parlent de la pluie, de la marche, de la terre, de la culture.

Influencés par des danses qu’ils connaissent depuis toujours, des rituels, des histoires qu’on leur a racontées, des chansons qu’ils ont entendues, c’est avant tout dans la jeunesse et la pureté de leurs corps et de leurs âmes que proviennent ces gestes.

Ces danses, sur un sol tambouriné au rythme des percussions, sont enregistrées par la peinture. Les gammes de couleurs évoquant la terre et le ciel d’Afrique ont quant à elles été produites à partir de pigments trouvés ici.

Les enfants sont la vie qui restera figée sur cette toile. Sans eux il n’y a rien, sans eux pas de vie, sans eux pas de traces.

"Danser c’est avant tout communiquer, s’unir, rejoindre, parler à l’autre dans les profondeurs de son être. La danse est union, union de l’homme avec l’homme, de l’homme avec le cosmos, de l’homme avec dieu." Maurice Bejart »

Toisons d’Ivoire

« C’est en m’intéressant aux coiffures des femmes africaines, en observant la complexité de ce que j’appelle ces "broderies capillaires", que j’ai découvert le travail extraordinaire du photographe Nigérian J.D. ‘Okhai Ojeikere.

Il fut témoin du rôle de ces coiffures, qu’il a photographié durant toute sa vie, et de leur évolution. 

Ojeikere en parlait déjà comme des sculptures, c’est d’ailleurs pour cela qu’il photographiait les femmes de dos, pour saisir dans ses clichés la plus grande partie du volume et souligner leur aspect sculptural. 

J’ai découvert, grâce à son travail, que les tresses, les raies des tissages, forment des pleins et des vides très précis.

Les formes de ces coiffures ont du sens, certaines sont témoins de vie, conçues pour des mariages ou des traditions spécifiques. 

Certaines marquent le passage à l’âge adulte, une appartenance ethnique. L’ "Agaracha", par exemple, se porte au quotidien, l’ "Ananas" est plus mondain, la "Mai Bu" se porte pour les grandes occasions. Mais toutes, au final, subliment le corps des femmes grâce à ces arabesques de cheveux. 

Au Bénin, sacs, cheveux, chaussures, subliment les femmes, le tout dans des couleurs très vives, et le plastique est encore au cœur de la mode africaine. 

Aujourd’hui, les cheveux utilisés pour ces coiffures sont en majorité synthétiques... Finalement, ces mèches resteront après celles qui les portent, tout comme les photos de J.D. ‘Okhai Ojeikere...

Il est quand même intéressant de se poser la question de la durabilité de ces matières. Elles font partie intégrante de la consommation africaine.

Une femme change de coiffure en moyenne quatre fois par mois et ce travail est loin d’être une partie de plaisir : les tresses synthétiques sont cousues sur une base de vrais cheveux très courts et tressés de manière très serrée, et chaque passage peut prendre quatre à dix heures selon la complexité des formes. 

Pour se faire coiffer, on prend le temps, on s’assoie, on discute, on échange. Les salons sont de vrais lieux de rencontre, certains y passent la journée. On y mange et on y vit.

Les sculptures que j’ai créées sont témoins de la complexité et de la précision de ce travail. Montée sur des grilles de pêche en métal, chaque mèche est brodée à la main, telle une toison d’or. 

Les vides que l’on voit entre les mèches s’apparentent quant à eux aux crânes de ces femmes qui font contraste avec la noirceur du tissage.

Ces sculptures sont un hommage à la beauté des traditions africaines. »

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